Ce que je suis ? Est ce si important de savoir qui l'on est ? Je doute fortement qu'il en soit décisif, chacun aime agrémenter de son point de vue pour embellir la situation ou au contraire la dénigrer. Quand un jeu d'enfant en fera rire certains, il scandalisera les autres. Il n'y a personne qui sache, au fond, réellement ce que chacun est. Je vais donc faire un effort et partager avec vous ce que je suis, du moins qui je suis.

Ce n'est pas l'amour qui m'a conçut, c'est le devoir. Une notion que je ne connais pas encore mais dont je devrais faire l'expérimentation. Dans notre milieu, celui des hommes et des femmes riches, il n'y a pas de place pour les sentiments, le plus important c'est l'argent. Trouver la plus rentable des combinaisons de fiançailles et s'y tenir. Je suis née, cette froide nuit du 21 décembre 1991 pour porter le nom des Stewart afin d'en être la digne héritière. Mon père me désirait, mon père me chérissait alors que ma mère me refoulait et me détestait, je n'aurais dû être que la distraction principale de mon père. Mais ma naissance éveilla chez ma mère un intérêt particulier, mon regard brillait déjà d'une lueur malicieuse. Elle avait entre les mains le potentiel de faire perdurer sa politique, de modeler l'enfant que j'étais pour en faire une héritière de choix. Une héritière de son sang. Ma mère qui m'avait donc négligé durant sa grossesse se mit à me consacrer du temps, elle forgea doucement ce que j'allais devenir un bijoux d'une richesse incommensurable. Ce qui aurait le plus de valeur au sein de la Famille Stewart, le trésor que personne n'estimerait à sa juste valeur... la surprise sera de taille le jour où sera révélé toute la splendeur de cette œuvre.

Pour comprendre toute la subtilité de mon être, il faut remonter bien avant ma naissance, là où le destin de ma mère se brisa. Elle qu'on obligea à se marier contre son gré. Elle qu'on somma d'arrêter ces enfantillages. Elle qui due enfouir son amour pour sauvegarder la prestance de son nom, de sa famille. Peut-être, que la vérité m'aurait épargné de devenir celle que je suis... mais je n'en suis pas certaine. Ma mère voyait en moi un objet de vengeance, mon père lui voyait une princesse. Le mixe des deux donne quelque chose d'assez exceptionnelle, un cocktail de malice angélique. Fille unique, je n'ai pas apprit à partager. Vivant entre deux mondes bien distinct, il n'a pas été évident de trouver ma voie mais c'était sans compter sur l'aide du destin. Mon père, aimant. Mon père, cet homme si fière d'avoir une petite poupée me traita avec tendresse. C'est lui qui me conta des histoires merveilleuses pour me faire rêver. Lui qui nourrissait mon imagination jusqu'à ce que la réalité me rattrape. Trop vite. A mesure que je voyais mes rêves s'anéantir, je m'enfermais dans une spirale ténébreuse.

Discipliner un enfant, c'est le rendre conforme. Le résumé de ma vie pourrait résider en cette phrase. La conformité. Je ne le suis pas. Disciplinée... Non plus. Ma mère jugeait bon de me laisser vivre, expérimenter, apprendre de mes erreurs moi même. Faire face aux conséquences, assumer ces propres choix et ce que l'on fait de sa vie.Ma mère laissa mon père se discréditer par lui même à mes yeux avec tous ces mensonges que l'on s'amuse à raconter aux enfants, tous ces rêves anéantis par l'inexistence de ces contes. Ma mère m'a beaucoup enseigné sans jamais rien exiger de moi, elle m'a modelé finement à son image sans que je m'en aperçoive, d'ailleurs personne ne s'en est rendu compte c'est là tout l'art de ma bien aimée mère. La manipulation n'a plus de secret pour moi, jouer la comédie un art évident je crois que je ferais une actrice formidable, exiger telle une reine, prendre comme une enfant capricieuse sans ce soucier des conséquences et surtout ne jamais donner. Ce sont sûrement d'étranges valeur aux yeux du monde mais primordiale pour le notre, j'aurais dû être cette gamine pourrie gâtée que l'on regarde du coin de l’œil. J'aurais dû être cette enfant ingérable que l'on dessinait mais tout ceci était le début d'un long jeu auquel je participais en tant que pièce maîtresse. Alors il a fallut s'adapter, être cette fleur sauvage incontrôlable, insaisissable, l'objet de convoitise qu'on attendait au tournant.

Les années défilaient. J'étais cette enfant mise à l'écart par les autres. J'étais cette gamine qu'on jalousait, cette adolescente que l'on méprisait, je devenais cette femme guidée par la vengeance. Mes frasques, mes conneries, mes écarts... Tant de choses qui ne plaisaient pas à ma mère, elle qui croyait que je serais sa parfaite petite création, elle se trompait. Père avait planté dans mon esprit la graine des contes de fée, cette graine avait germé pour finalement se faire déraciner. Tant d'amertume. Tant de haine. La réalité, une bien dure vérité. Je décevais. Je n'étais plus cette enfant à l'image de ma Famille, je n'étais qu'une enfant rebelle et stupide que l'on décida de brider. Devenir héritière, voilà une chose dont j'étais certaine, sauf que mes chers parents changèrent les règles. Je ne serais jamais réellement héritière, j'obtiendrais ce droit à mon mariage... droit qui reviendrait à mon mari. Je m'en moquais. Insouciante. Blessée. Meurtrie. Quelle importance ? Je n'avais pas l'intention de cesser mes frasques et d'en faire voir de toutes les couleurs à qui croiserait mon chemin.

Ma mère me fit le pire des affronts en me privant de ce qui m'était le plus cher, ma liberté. Comment osait-elle organiser mes fiançailles sans m'en tenir informée?  Je ne connaissais pas ces garçons, ces prétendants près à se plier en quatre pour me conquérir. J'en fis un jeu. Je n'avais pas envie de les connaître, ni de les voir, j'agissais comme si ils n'existaient pas et cela me convenait parfaitement. J'avais trouvé refuge auprès de Mon Journal  à qui je confiais ma colère contre ma mère, lui avouant que je n'étais pas un pion que la famille pourrait déplacer à sa guise. Je n'avais jamais manqué de respect à notre Famille et elle venait de me donner une punition qui serait peut-être son pire cauchemar. Je n'avais rien. Ni le loisir d'être l'héritière, ni la liberté, je n'avais donc rien à perdre.

Ma vie prenait un nouveau départ. Ma mère ne s'attendrait pas à ce retournement de situation, mais je n'oublierais pas qu'elle me force à vivre avec un homme que je ne connais pas, que je n'aime pas et à qui je refuse de me soumettre. Tout se paye un jour... Tout. Même pour toi Maman... Le prix sera conséquent. Je dissimulais ma haine à son égard et ma colère. Le temps serait mon ami et il serait son ennemi. Merci de m'avoir éduqué à ton image, merci de m'avoir permit de m'épanouir, merci de m'avoir laissé vivre mais il est l'heure de prendre ce qui me revient de droit.